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27 Novembre

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Jean-Marie Gueye alias Akuna : itinéraire d’un enfant sportif

Catégorie : ITW

Jean-Marie Gueye alias Akuna : itinéraire d’un enfant sportif

Interview réalisé par Sophie BOISSONT

Souvenez-vous, lorsque vous étiez en plein effort sur les sentiers, vous avez sûrement croisé Jean-Marie, ou Akuna pour les avertis, planqué en embuscade pour immortaliser votre foulée dans un cadre mythique. Visage aux origines métissées, corps de sportif passionné et œil de photographe hors-pair, Jean-Marie est à l’aventure outdoor ce que Di Caprio est au cinéma hollywoodien : un acteur audacieux qui a soif de liberté.

CTP : Jean-Marie, d’où viens-tu exactement ?

Akuna : « Je suis né à… Paris ! Difficile à avouer quand tu vis à Marseille. Jeunes, mes parents ont quitté l’Indochine avec la fin de la colonisation française. Ils ont pu être assimilés à des migrants fuyant la guerre, mais le contexte était particulier.Heureusement, bien qu’ils n’étaient pas favorisés, l’ascenseur social a  fonctionné pour eux. Ils ont fait des études supérieures, tout comme ma fratrie qui compte médecin et ingénieurs… Auparavant mes ascendants avaient déjà beaucoup voyagé. Dans mon arbre généalogique figurent un grand-père sénégalais, un arrière-grand-père français et une tripotée d’ancêtres vietnamiens. Aujourd’hui, j’ai de la famille à Dakar et au Vietnam mais je n’y suis jamais allé. Ceci dit, un jour j’irai c’est écrit. Le hasard de la vie professionnelle m’a conduit en Provence où je me sens heureux. »

CTP : Ta vie sportive est particulièrement riche et diversifiée ?

Akuna : « D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours fait du sport, collectif (foot) ou individuel (judo, tennis). La course à pied m’a séduit dès les années 80, sur des Paris-Versailles par exemple. Mais ce sport, qui était alors marginal, était pour moi un complément épisodique à d’autres activités plus ludiques… En visionnant un reportage sur le triathlon de Nice en 83, j’ai été frappé par les défaillances de certains triathlètes en fin d’épreuve. Cela n’avait alors pas de sens pour moi d’achever une course de cette manière. Ce n’est que bien plus tard que j’ai compris que ce n’était que l’expression, le symptôme, d’une volonté au long cours que je trouve admirable. J’ai alors entamé une décennie de triathlons (Nice, Embrun…) mais le tournant réglementaire qu’a pris ce sport m’a déçu. Je cherchais le dépassement de soi et non la surveillance d’un arbitre. Dans les années 2000, le trail m’a immédiatement conquis : autonomie, liberté, nature sauvage… un savant mélange auquel j’ai pris goût pendant une décennie (UTMB, Népal…). Enfin en 2015, j’ai découvert le swimrun avec l’OtillO, championnat du monde en Suède. Et cette fois, c’est moi qui ai tenu le rôle du concurrent qui fait un malaise devant les caméras (Canal + Intérieur sport) : la boucle était bouclée. C’est le type de reportage qui lance un sport, et actuellement j’emploie mon énergie pour le promouvoir en France. Et ça marche ! Car c’est le mariage incestueux du trail, du raid aventure et du triathlon. Le swimrun (nager-courir), tire ses racines de Suède et mêle en alternance course à pied typée trail et natation en mer. Cette pratique, qui se court uniquement par binôme pour des raisons de sécurité, a débarqué en France début 2015 avec 3 épreuves. L’année 2016 marque le décollage de la discipline sous l’impulsion d’un effort de médiatisation : près de 15 épreuves se montent. En 2017, les prévisions annoncent 30 épreuves au calendrier dans l’hexagone, et d’ores et déjà 3 circuits se sont déclarés (Swimrun National Tour, Gravity Race, Swimrunman). Les valeurs sont dans l’air du temps : entraide (les épreuves se courent en binôme), lieux magnifiques (archipels, lacs de montagne, bords de mer…), autonomie et peu de contraintes. Bref un cocktail très addictif. Pour moi le dépassement n’a pas besoin d’être extrême, il permet simplement de repousser ses limites progressivement, tout en respectant son corps. Pour finalement accomplir de grandes choses à son niveau. Il n’y a pas de prise de risques, mais plutôt un engagement avec une évaluation des risques encourus.

CTP : Quid de la photo et de ton petit sobriquet ?

Akuna : Le trail m’a offert une porte d’entrée dans le monde de la photo, avec l’avènement des compacts numériques étanches. D’une part, je voulais conserver une trace des paysages traversés. D’autre part, j’accompagnais souvent mon amie ce qui me laissait du temps pour photographier. De fil en aiguille, je me suis spécialisé dans un secteur qui était une niche puisque non exploité jusque-là. L’avènement des réseaux sociaux a décuplé ce type de reportage « inside », j’en ai fait mon métier depuis peu (photographe – journaliste depuis 2013). J’aime me positionner sur des spots dangereux, tout en faisant attention de ne pas perturber le coureur, car le résultat est en général très intéressant avec de belles photos chargées d’émotions.
Mon surnom « Akuna » vient d’un stage de chute libre en 2004. Je portais alors un sweat sur lequel était inscrit « Akunamatata, tête en haut, tête en bas, la vie t’appartient« .

CTP : Est-ce que « Akunamatata » est également ta philosophie ? Es-tu optimiste et est-ce cette qualité qui te permet de relever de grands défis sportifs ?

Akuna : Oui je me force à être optimiste. Je n’aime pas perdre du temps à ruminer des sentiments négatifs, la vie est trop courte. Sportifs ou pas, les défis demandent beaucoup de volonté, d’espérance et d’insouciance. La combine, c’est de vouloir toujours progresser, d’apprendre à aimer, pas seulement le résultat final, mais tout le processus qui mène au bout de ce défi quel qu’il soit.
Aujourd’hui, la performance a laissé place à l’aventure, je n’ai plus envie de me mesurer, ni au chrono, ni aux autres. J’aime tracer ma route, dans les Calanques notamment où j’expérimente des enchaînements swimrun, souvent inédits, toujours magiques comme tout récemment l’Eissadon’s Tunnel. Je recherche la contemplation, l’expérience, l’engagement, le partage… une grande tendance actuelle. Je suis également un grand lecteur passionné de tout horizon : philosophie, sciences, politique, mangas ou comics. L’entraînement concerne autant le corps que l’esprit.
Mes projets ? Poursuivre le Challenge des Trails de Provence, en tant que photographe bien sûr, et gérer la montée du Swimrun, mais cette fois-ci en tant que… haha mystère. Mes résolutions pour 2017 ? Essayer de me réinventer, être autant amoureux de mon amie qu’en 2016 et 2015 !

CTP : Ta photo préférée ?

Akuna : « Celle de la Tikka à l’aéroport de Lukla (Népal) ».

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