Catégorie : Récits de Trail
Texte : Sophie Boissont – Photos : Cyril Jourdain – Association Restonica Trail
Si le Restonica trail s’inscrit dans le calendrier du challenge, son frère l’Ultra-trail di Corsica n’y figure pas. Il propose toutefois une expérience sur laquelle il est intéressant de s’arrêter. Petit zoom arrière sur une course qui exige de prendre un peu de recul.
L’Ultra-trail di Corsica c’est quoi ? C’est le genre d’épreuve qui vous émoustille et vous intimide à la fois. Celle qui suscite dans votre entourage, une vague au mieux d’admiration, au pire d’interrogation. Quoi ? Tu veux faire l’ultra ? Il est technique tu sais ! Etape 1 : Philippe E. m’avertit et me suggère de me rapprocher de Perrine S. qui l’a gagné l’an passé ! Euh… Pourquoi pas poser la question à Michel L. tant que j’y suis ? Etape 2 : Sophie C. s’amuse à reconnaître le parcours en rando pour m’annoncer, sourire aux lèvres : « tu vas te régaler », traduire « tu vas pleurer » bien sûr. Etape 3 : mes amis me souhaitent bon courage sans savoir à quelle course je participe. Etape 4 : mon beau-frère me dit « les routes corses ne te laisseront pas indemne » ! « Bienvenue en Corse et bonne chance… » dit le site de l’Ultra !
Bref je prends le bateau puis la route, évite le mal des transports, trouve René C. qui ne me rassure pas quand je récupère mon dossard, mon tee-shirt et produits du terroir que je ne dois pas déguster, et je prends le départ après un laconique briefing qui se résume à « il va faire chaud, buvez ».
Et hop, adieu la foule en liesse, me voici directement dans le dur : montée de Bocca Canaglia. Ok personne n’a menti, ça s’annonce technique. J’y vais mollo en pensant immédiatement à la règle n°1 du traileur, selon Julien H., qui stipule qu’au « top départ », le traileur « part toujours trop vite ». Les lumières de Corte s’éloignent tandis que la lune éclaire l’Arche de Scandulaghju.
PC1 de Padule. De charmants accents corses me réveillent. Sur la route forestière, je me souviens que j’avais dit que si jamais je voyais du plat, je courrai, quand bien même ma foulée rasante et le halo de ma frontale me berceraient. Et dire que papy était embusqué ici dans le maquis pendant la 2nde guerre mondiale. Je vois d’ailleurs sa silhouette, la pénombre stimulant l’imaginaire. PC2 de Bonniacce. À cet instant, j’ose penser que ce n’est pas aussi « corsé » que prévu. Mais après le PC3 de Pinadellu, je me ravise car la première descente annonce la couleur. Désordonnée, intuitive, pentue, glissante, en un mot : cassante.
Où est le lac de Calacuccia svp ? Le voici mais pour rejoindre le ravito, faut encaisser un peu de bitume ! PC4, j’assiste aux premiers abandons. Pour toi Julien H., j’ai songé à répertorier une nouvelle règle : « interdit de se laisser distraire par un concurrent qui déclare qu’il connaît la suite et préfère s’arrêter ». La suite, c’est le massif du Cinto, plus haut sommet de l’île (2710m). Beau, sauvage, minéral. Il fait chaud, ils ont dit de boire n’importe où : je bois. Je contemple le lac du Cinto (photo principale), avant de souffrir dans l’ingrat pierrier qui mène vers Bocca Crucetta, point culminant du parcours (2415m). Je bascule alors sur le mythique GR20 qui livre immédiatement un aperçu de son charme : ma progression est rythmée par une chasse au balisage sur un sentier chaotique, mélange anarchique de roches, pierres et cailloux. Bazar, j’ai connu plus roulant.
Au PC5 de Ballone, enfin atteint sous une chaleur écrasante, je croise Catherine T. Comme moi, elle pinaille sur la distance annoncée : 45km parcourus alors que sa montre en indique 49, c’est agaçant. Le bénévole rigole. Pourtant je connais bien la règle n°3 du traileur : « ne jamais demander à quiconque combien de kilomètres il te reste ». A classer dans la même catégorie que « c’est la dernière montée ». S’ensuit d’ailleurs une ascension interminable vers Bocca Foggiale et le PC6 de Ciuttulu di i Mori. Mais par quel mystère le dénivelé semble toujours plus long sur une course ?
Heureusement, la descente dans la vallée du Golo conduit au pied de piscines naturelles où l’eau turquoise me fait de l’œil mais je ne peux qu’admirer les baigneurs chanceux qui plongent comme pour me narguer ! Jeunes insolents. Là, je pense bizarrement à Akuna qui aurait improvisé un superbe swim-run ou à Sébastien D. qui aurait sauté tout habillé avec sa longue tresse tourbillonnant au vent. Plus tard, j’apprendrais que Sophie C., elle, l’a fait sur son trail… au détriment de son portable. Mais moi, à ce stade, mes pieds roués d’ampoules et d’ongles meurtris ont ruiné mes ambitions, qu’il s’agisse de réaliser un chrono ou une improbable cascade.
Je retrouve Catherine T., nous sympathisons. Puis soudain un visage familier surgit de la forêt ! Certes il y a des cochons mais non là c’est Sophie C. venue m’assister avec Cyril J. ! Du coup au PC7 de Vergiu je me sens « merveilleusement bien ». Elle m’alimente, me recharge, me masse, me change, fait mes lacets ! Je lui demande où est mon berceau. Mais pourquoi je n’ai pas ma team ? Où sont mes gens ? Je veux arrêter. Elle me sermonne et disparaît. Heureusement, je récupère Catherine dans l’ascension de Bocca San Petru suivi de Bocca a Reta. Nous ne nous quitterons plus.
Objectif le PC8 du lac Ninu avant la nuit. Là les vaches courent aussi. Plus vite que nous bien entendu. Petit répit sur sol moelleux avant d’attaquer dans le crépuscule le col de Bocca Alle Porte (point culminant du GR20 à 2250m), où la difficulté atteint son paroxysme. Derrière, un semblant de sentier à flanc de montagne nous attend jusqu’au PC9 de Bocca Soglia où le saucisson ne facilitera pas la descente impitoyable au cœur de la splendide vallée de la Restonica illuminée par la pleine lune. Invitées à la rêverie, nous nous allongeons à plusieurs reprises pour implorer les étoiles et espérer que tout ceci a bien une fin.
Après de laborieuses heures de marche et quelques dodos, nous rallions le PC10 de Grotelle, où des massages et des soins nous sont prodigués. De quoi repartir aguerries sur le chemin incertain qui nous conduira dès l’aube à la « vraie dernière montée », si si ! PC11 du plateau d’Alzu : ici l’ambiance nous incite à rester. Mais pas de champagne. En revanche, il reste un café, des canistrellis et 13 malheureux kilomètres qui nous coûteront encore 3h d’efforts. En longeant les gorges étroites de la magnifique vallée du Tavignanu, malgré la fatigue, je songe à revenir ici plus tard.
Et nous voilà enfin dans les ruelles étroites de Corte pour savourer le meilleur de la course. L’AFTER : ma famille qui m’étreint, les chants corses qui ont tenu Frank M. éveillé toute la nuit, le micro qui glapit, puis la douche qui détache, la sieste qui rapièce, le massage qui soulage et la bière qui désaltère. Et dans cette extraordinaire ambiance corse, tout le monde est là : ma famille, mes amis Sophie C. et Cyril J. qui ont vaincu le Tavignano trail, Luc B. qui a fait podium sur le U Giru di Tumbonu, Georges R. qui trouve que je pars trop doucement (oui mais moi je respecte la règle n°1 de Julien H.), son acolyte Roland L. et les fabuleux bénévoles. Manquait plus que Philippe E., Julien H., Sébastien D. et Akuna pour trinquer…. Qui a dit que j’ai dit « plus jamais » ?
Merci à tous, organisateurs (association Restonica Trail), bénévoles, coureurs, famille, amis…
et surtout merci à Catherine Tossi pour ce (long) moment partagé.
Retrouvez les résultats de l’Ultra-trail di Corsica 2017 ici.
Prochains événements du Challenge :
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Date : 23 novembre 2024
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Pertuis (84)
Date : 13 décembre 2024
Trail de la Galinette - Cadolive
Cadolive (13)
Date : 26 janvier 2025
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